Lisa Lugrin, Jérôme Bachet et Métie Navajo
Futuropolis, 2024
Quand on évoque, les luttes sociales, on pense à perturbations. Mais ces regroupements incitent les citoyens à penser autrement. Les zapatistes du Chiapas décident de partager leur vision du monde et d’expérimenter le faire ensemble.
Histoire
En octobre 2020, les zapatistes du Chiapas font une annonce inattendue qui a suscité une grande attention. Ils allaient rencontrer les luttes populaires sur les cinq continents, avec un début symbolique en Europe. Le 2 mai 2021, sept membres de l’Escadron 421, dont quatre femmes, deux hommes et une personne transgenre, embarquent à bord du bateau La Montagne pour un voyage marquant. Au cours de leur séjour, ils participent à de nombreux événements, tels que des rassemblements à la ZAD Notre-Dame-des-Landes, aux Tanneries, quartier libre des Lentillères à Dijon, à la coopérative Longo Maï, et dans d’autres lieux emblématiques de résistance. En septembre, une délégation élargie de 170 zapatistes a poursuivi ce périple à travers l’Europe, rencontrant divers collectifs et organisations dans des pays comme la France, l’Italie, l’Allemagne et la Grèce et s’engageant ensemble pour des causes communes. Sans grande surprise, elles ne manquent pas.
Ce voyage historique constitue la première fois que les zapatistes quittent leur territoire pour établir des liens avec des mouvements alternatifs et solidaires à l’échelle mondiale. À travers les récits de cette aventure, enrichis de textes zapatistes et de témoignages, Lisa Lugrin et Métie Navajo et l’historien Jérôme Baschet revisitent l’histoire de cette lutte pour l’autonomie et l’établissement d’un modèle politique alternatif, marquant le 30e anniversaire du mouvement zapatiste. Ce parcours témoigne de la volonté des zapatistes de tisser des alliances et de faire entendre leurs voix dans la lutte pour un avenir plus juste et ensemble.
Mon avis
Les Zapatistes du Mexique débarquent en Europe. Eux ne souhaitent pas s’approprier la terre des autres. Ils veulent répandre le virus de la résistance ainsi que faire lien, faire sens, faire communauté et faire ensemble. Ce mouvement, autrefois guérillero, s’est transformé en une initiative d’autogestion de communes indigènes où les femmes ont une vraie place. Pourquoi cela ne se ferait pas ailleurs? A leur grande surprise, partout où ils arrivent l’accueil est toujours chaleureux, festifs et engagés. « Nous pouvons nous faire le cadeau d’être ensemble. De prendre soin de nous pour transformer la douleur en joie de vivre, à travers ce que nous appelons jeux et que vous appelez danse, musique, théâtre, et toutes les formes d’interaction possibles.
Cette rencontre a été organisée pour que l’on se parle, que l’on s’écoute, que l’on se regarde, que l’on se célèbre. » Au fil de ces 28 épisodes, Lisa Lugrin raconte ce périple qu’elle a suivi et commenté en direct, le publiant semaine après semaine sur des médias indépendants. Elle évoque également le passé avec les conquistadors sans omettre la résistance citoyenne. Pour être enfin vus, ils cachent leurs visages.
La « loi révolutionnaire des femmes » est promulguée. « Nous suivons les 7 principes du « Gouverner en obéissant » : Servir et non se servir, Représenter et non supplanter, Construire et non détruire, Obéir et non commander, Proposer et non imposer, Convaincre et non vaincre, Descendre et non monter. Quand nous sommes ensemble, nous sommes une assemblée. ».
La mise en page repose sur des dispositifs inventifs colorés, dynamiques, garantissant clarté et confort de lecture. On sourit avec le criquet comme forme métaphorique de narration tout comme la mère montagne. Les imaginaires entre mythologies, traditions et inventions se mélangent avec une harmonie touchante et une énergie très communicative. Faire autrement n’est pas utopique.
Une bande dessinée forte, engagée, puissante et assez inspirante. Pensée autrement pour faire société n’est pas impossible.
Prisca