Nat Mikles
Rue de l’Échiquier, 2016
À l’heure où on ergote sur qui/quoi/comment/pourquoi on pollue ou qui/quoi/comment/pourquoi on doit arrêter de le faire, l’auteur Nat Mikles s’interroge – à l’anglo-saxonne – sur le passage à l’acte. Qui descendra donc les poubelles ? Interrogation plus fondamentale qu’il n’y paraît. On pourrait même la substituer au « Qui sommes-nous » pascalien !
De fait, ce conte graphique pragmatique n’est pas dénué de pensées philosophiques ! Avec un dessin humoristique très punch, Nat Mikles évoque l’éveil quotidien d’un zigoto anonyme, à l’air narquois. De la sonnerie du réveil à la séance grille-pain, la première séquence multiplie les « Bronk » et les « Couic ». Autrement dit des onomatopées difficilement impénétrables ! Naturellement, le toaster est pété, occasion rêvée pour convoquer Lao-Tseu (traduire « Là au-dessus ! ») comme maître à penser écolo.
Sacré sage dont les interrogations imprévues décoiffent le consommateur inconscient que nous sommes devenus ? Quelle équivalence entre le crayon et le grille-pain (ils sont achetés pour être jetés) ? Quel point commun entre l’Égypte, les éléphants et le camembert (les déchets ménagers actuels en France pèsent le poids de 5 millions d’éléphants ou de 6 pyramides de Khéops*) ? Ce foutu Lao-Tseu, calculette en main, compte leur poids par seconde… Tout ça pour atterrir dans un trou de décharge qu’on recouvrira de fleurettes lorsqu’il sera bourré. Après ce constat, le cher Lao donne d’opportuns et évidents conseils que les consommateurs actuels ont oublié comme : trouver la panne du toaster (les miettes par exemple), réparer, trier, etc. Il invite à imiter la nature qui « ne produit aucun déchet ».
L’histoire est déglinguée, il n’y a pas de pagination, la lecture de chaque page peut se faire dans toutes les directions sans poser le moindre problème de compréhension en un monde devenu de toute façon… incompréhensible. Surgissent Lavoisier et même Épicure, mais la conclusion est lao-tseutienne (le bonheur, sur le chemin vers le bonheur, est justement… le chemin). Un chemin que suivent volontiers certains lecteurs/trices (passant par Ademe, Zérowaste France ou Ma vie, zéro déchet), même s’ils voient peu d’améliorations conséquentes à leur recyclage, récupération, réparation… Bonne route !
Site de l’éditeur : http://www.ruedelechiquier.net
Jane Hervé
*Le poids équivalent en camemberts n’est pas précisé !