Sébastien Dalgalarrondo et Tristan Fournier
Les Arènes, 2020
Cet ouvrage se présente comme une « enquête sur notre irrépressible besoin de nature » et cherche l’origine de notre envie de nature et de sauvage. Les auteurs suivent 3 pistes pour expliquer le succès de ce phénomène : ce serait dans notre nature, bon pour la santé et/ou politique. Dans les trois chapitres, ils se focalisent sur le succès de certaines thérapies ou pratiques de la mouvance du “retour au sauvage” en interrogeant les termes utilisés pour les vendre et les mythes auxquels ils font référence.
Notre nature
L’interrogation porte ici sur le retour à la nature coupée du monde moderne pour faire ressortir notre « instinct primaire ». Ce mythe de l’homme qui doit survivre seul face aux éléments dont le personnage le plus connu est Robinson Crusoé est aujourd’hui très présent dans l’imaginaire de la télé-réalité avec des émissions telles que Koh-Lanta ou “Naked and Afraid” . Les auteurs y découvrent foison de clichés sur les besoins primaires et ce qu’il faut vraiment ou non pour survivre.
La santé
Nos deux auteurs ont interrogé la pratique du jeûne qui fait historiquement référence à la religion et est aujourd’hui plutôt mis en avant pour sa dimension sanitaire de l’autonettoyage. Si cela fait un siècle qu’il est mis en avant un peu partout dans le monde, en France, la pratique continue à être controversée et les spécialistes du secteur utilisent un argumentaire bien huilé pour y faire face. Le jeûne est une « critique de la modernité alimentaire » qui nous aurait éloignés des vrais besoins du corps. Il est aussi présenté comme une « pause » permettant de découvrir des « émotions et sensations nouvelles » pour ensuite mieux repartir. Et surtout, il permet de « se reconnecter à la nature pour trouver sa vraie nature ». En effet, cette technique serait enfouie au fond de nous et, devant l’anomalie de l’abondance alimentaire qui mène au « maladies de civilisations (diabète, cancers, obésité…) », notre corps aurait évolué trop rapidement et ne serait plus adapté à notre alimentation. Les stages de jeûnes permettent d’entrevoir « des possibilités de consommer autrement, mieux et moins ». Et devenir ainsi un acte politique.
Politique
Les deux auteurs ont cette fois interrogé la pratique de la cueillette. Outre les arguments de disponibilité et d’économie, c’est une pratique qui permet de changer son alimentation, « de repenser ses propres besoins nutritionnels et énergétiques, c’est adopter une posture plus critique à l’égard de la société de consommation ». Elle permet de réapprendre à vivre en autonomie alimentaire en s’appuyant « à la fois sur le Do it Yourself et la transmission des avoirs ». “La promesse de jeûneur-cueilleur, par son principe de frugalité et de responsabilité, s’inscrit dans la perspective politique de la décroissance. » Les auteurs inscrivent la désertions des hypermarchés au profit des marchés de producteurs locaux comme un acte politique, et que certains, « plus radicaux, choisiront de glaner dans les poubelles de ces mêmes hypermarchés pour dénoncer la société du gaspillage ».
Pratiques réactionnaires ?
Dans ce chapitre, les auteurs égrènent rapidement l’échiquier politique pour savoir où chaque courant se situe par rapport à l’ensauvagement. Pour certains anarchistes, le chasseur-cueilleur correspondrait à « un idéal d’organisation sociale » et la création des sociétés modernes serait « une lente dégradation de notre évolution » (Scott et Zerzan). Pour les « nouveaux guerriers », la cueillette serait une pratique de perfectionnement au contact de la nature (Soral). Du côté de la spiritualité, on parle plutôt de redéfinir la complémentarité des sexes qui serait inscrite dans nos gènes depuis la nuit des temps (Servigne, Rabhi). Pour des anthropologues, on définit plutôt l’ensauvagement comme une façon de « prendre le risque d’expérimenter et d’hésiter » (N. Martin).
Les chapitres sont entrecoupés de courts récits qui n’apportent rien à la réflexion et sont un peu inutiles.
La conclusion des auteurs est par contre un peu légère et ils ne se positionnent pas sur la question de « réformer le monde ou bien en inventer un nouveau ? » Le changement de structure globale leur paraît compliqué et le changement par le bas est incertain.
« L’utopie sauvage nous permet, en entrant en résonance avec le monde du vivant, de réenchanter notre quotidien. »
William