Axel Kahn
Ed. Stock, 2015
Axel Kahn a déjà réussi deux défis : le premier géométrique de traverser la France hexagonale selon deux diagonales ; le second physiologique de marcher 2 057 kms avec au total 43 kilomètres de dénivelé, certes en deux ans. Le tout à 70 ans et des poussières…de schiste ou de tuffeau !
Cet insatiable curieux voyage avec le GPS dans une main et …une peluche dans l’autre. Il n’est donc pas complètement seul, puisqu’accompagné par sa Princesse Mascotte toujours au spectacle puisqu’accrochée à son sac à dos. Cet alter ego « en féminité » est une jument en peluche tous azimuts : tantôt patiente, elle écoute ses mésaventures ; tantôt conviviale, elle s’installe au milieu des nains de jardins dans un gite ; et toujours psychologue, elle soutient jusqu’au bout le moral et les genoux (parfois fragiles) du promeneur.
C’est l’une de ces diagonales, entre l’océan Atlantique (Pointe du raz) et la mer Méditerranée, qui fait l’objet de ce dernier ouvrage. L’auteur est d’évidence un homme bien sous tout rapport (professeur en médecine, candidat politique, cavalier, et j’en passe). Il révèle une pugnacité et un volontarisme (l’un va-t-il sans l’autre ?) qui prouvent à tout le moins qu’à un âge presque vénérable, on peut encore tenir la route… ou du moins les chemin ou sentes même non balisées. Et ce avec des bobos qui strient le corps en diagonale (épaule droite et pied gauche).
Marcher, oui, mais trouve-t-on autre chose que soi-même ? Que découvrir dans un tel « bout de soi » écartelé entre les landes bretonnes, le tuffeau ligérien, les vallées rhodaniennes… ? Dans ce monde en tranches de 30 kilomètres, Axel Kahn perçoit en vrac l’intérêt patrimonial (des constructions locales) , le modèle économique (breton), la découverte des librairie et des gîtes (de partout), d’histoires (Jeanne des Anges et Urbains Grandier), accompagnés de quelques envols esthétiques, de l’émotion poétique (devant le lys ou l’arnica) ou la transformation en lyre de belles cornes courbes des vaches salers ! Il fait en outre des constats affligeants, sur l’écologiques, la désaffection des villages, la désindustrialisation, l’analyse de l’évolution du vote rural vers l’extrême droite.
Il y a des surprises linguistiques (le plateau de Mille vaches n’a pas de vaches mais mille sources (batz), des hasards propices (une séance de Rire thérapie qui le fait rigoler à juste titre, un anniversaire rockabilly), entre quelques interviews concoctés ou rencontres improvisées. Attention, l’auteur n’oublie jamais qu’il fut médecin. Se déboiter l’épaule se décline ainsi en « rupture d’un ligament majeur de la coiffe de l’épaule ». Avec un peu de chance, il nous expliquera sans doute ce que signifie une sieste « propandiale » (même Internet muet propose des schémas métaboliques peu évidents et plutôt soporifiques !).
Reste une ultime question : cette longue marche s’inscrit-elle dans une dé-marche initiatique qui, sans être nécessairement religieuse, exprime un certain regard sur la Nature avec un grand N. C’est ce qu’on appellerait volontiers un double Axel !
Jane Hervé