Maryse Condé
Lattès, 2010
Un médecin, Babakar, accouche Reinette, une clandestine haïtienne mourante. En mal de paternité, il accueille cette fillette orpheline, Anaïs, dont il recherchera néanmoins la famille jusqu’en Haïti.
Cette quête est l’occasion de découvrir ceux qui gravitent au milieu des eaux. Leurs récits se croisent, comme portés par les vagues secrètes d’une saga qui chemine d’île en mer et de mer en île : ceux de Babakar, fils unique d’une mère Thecla, mariée à un époux « courant d’air », mais aussi celui de Fouad qui n’est pas libanais mais palestinien, celui de Roro Meiji, ce voisin du quartier de Jean Ovide, poète et médecin personnel de J.C. Duvalier, et enfin d’Estrella, fille de ce même Jean et soeur de la défunte.
Tous rapprochent peu à peu de l’orpheline. Ils mettent à jour la cruauté de la politique de Baby Doc en Haïti, les exigences de la shahada (Il n’y a de Dieu que Dieu), les inquiétudes masculines révélées par la charmante Anaïs, dont le prénom évoque le souvenir de Gouverneurs de la rosée (Annaïsse du haïtien Jacques Roumain).
L’auteure Maryse Condé révèle, une fois de plus, son talent de conteuse à la Selma Lagerlof. Elle sait donner chair et âme à ces êtres pris dans les tourbillons d’une Histoire sans pitié qui souvent les dépasse et parfois les détruit.
Jane Hervé