Philippe Boyer
Ulmer, 2015
Quelqu’un – Philippe Boyer – dont on ignore tout jusqu’aux dernières pages de l’ouvrage, sait s’effacer derrière le sujet traité, les abeilles sauvages. À l’heure des narcissismes plumitifs, c’est déjà un bon point !
Texte et photos à l’appui, l’auteur nous fait pénétrer dans l’univers souvent invisible de ces abeilles-là (en voie de disparition). Il décrit, avec une simplicité aussi désarmante que poétique, son attrait d’enfant pour la nature : des oiseaux aux insectes, puis des abeilles domestiquées à leurs congénères/consœurs (!) sauvages. Ces dernières sont saisies en plein élan, butinant sur des plantes aux couleurs flamboyantes : vipérines, pissenlits, bouton d’or, lavande, champ de coquelicots…
Parmi les 800 variétés environ de sauvageonnes : des osmies à l’abdomen mordoré, des xylocopes charpentières, des mégachiles découpeuses de feuilles en rond pour construire leur galerie, des anthidies aux mandibules racleuses de poils végétaux, des collètes du lierre patientant jusqu’en octobre dans l’attente des inflorescences. Toutes grandes solitaires. Les photos les saisissent dans leur troublante vérité.
Ce ne sont pas des insectes, mais des amies : dodues, presques charnues ( !), poilues, voletant vers nous, se toilettant sur un pissenlit, se suspendant à une feuille d’ortie, serrant une boule de pollen orangé dans les pattes, le ventre ou l’abdomen recouvert d’une cape étoilée de pollen.
Dans cet ouvrage délicieusement fouillis, le lecteur passe du butinage à l’accouplement version apicole. Une escale à la Langaney est nécessaire lorsqu’on découvre trois mâles superposés et un quatrième aux aguets chez les osmies ou un couple anthidies dans une version très bonobo (face à face). Il y découvre quelques parasites à l’allure redoutable (méloé), parfait pour une fiction maléfique à l’américaine, avant de découvrir… sur la jaquette du livre que l’auteur est cameraman et photographe. Il adule Jean-Henri Fabre et respecte ses minuscules top model en les photographiant sans flash.
Et nous, lecteurs/trices on butine sur ce beau butin là !
Jane Hervé