Eduarda Lima
La Joie de Lire, 2021
Traduction du portugais par Dominique Nédellec
“Un jour, un oiseau s’est arrêté de chanter, puis tous les oiseaux l’ont imité. Mais ils n’ont pas été seuls. À leur tour, les chats n’ont plus miaulé et les chiens ont cessé d’aboyer. Le bourdonnement des insectes s’est tu, avec lui le gloussement des poules. D’autres animaux ont refusé de satisfaire les attentes des humains. Les vaches n’ont plus donné de lait, les gorilles ont tourné le dos aux visiteurs du zoo… Jusqu’aux pingouins qui n’ont plus voulu marcher. Les journaux ont fait état d’un pacte entre les animaux. À cette révolte manifestée par les bêtes s’est ajouté celle des enfants. Certains ont cessé de jouer, d’autres ne sont plus allés à l’école. Petit à petit le monde est devenu silence, un silence symbolisant l’asphyxie générée par la pollution courante de notre mode de vie.”
Très beau livre aux illustrations sobres en couleurs superbement contrastées et qui plongent le lecteur dans un décor séduisant. Autant prendre le temps d’observer puisqu’il n’y a qu’une phrase par page.
Organisation idéale pour accompagner la lecture de questions pour guider l’enfant à savoir regarder et exprimer : qu’est-ce qu’on voit, qu’est-ce qu’il se passe ? Effectivement, il y a ce paradoxe du silence de la révolte à faire comprendre. Comment le silence peut dire ce qui ne va pas et se remarquer ? Parce que la nature ne peut pas parler, l’enfant peut se sentir proche du récit de cette nature impuissante et victime qui tente d’exprimer son mécontentement par le silence ; d’ailleurs, il est représenté dans les acteurs de la révolte silencieuse.
Un silence qui part d’une incompréhension ou d’un quiproquo : l’étouffement individuel de l’oiseau se transforme en grève collective. Ça parle de solidarité pour le premier oiseau qui surprend par son attitude et fait réfléchir puis l’engagement collectif pour freiner, arrêter la situation. Ou juste parce que, symboliquement, tout le monde a son bouchon qui l’asphyxie (la double page des bouchons est très forte pour suggérer cette idée mais complexe pour un enfant).
Je trouve que ce livre invite au débat sans en avoir l’air, sobrement, élégamment, pour montrer que c’est à nous de voir et dire ce qui ne va pas. Le livre laisse toute liberté au lecteur pour comprendre la fin par lui-même et même interpréter les pages.
Un livre parfait à utiliser à l’école ou en groupe pour un atelier philo même.
Pour moi, le seul danger de laisser l’enfant seul dans cette lecture serait qu’il assimile que, quand il y a un souci, le silence est la solution. Et, pour l’adulte, qui découvre le livre, je trouve ça très riche de rappeler que c’est important d’être attentif aux silences, aux absences, aux disparitions, au vide, dans la nature qui souffre au même titre que chez les enfants ou les humains qui peuvent se taire et souffrir aussi.
La Révolte fait partie de la sélection « Graines de lecteurs » du Prix du livre jeunesse écolo 2022.
A lire dès 5 ans.
Gaëlle