Philippe Geluck
Casterman, 2015
Le chat de Geluck, adulé – par moi -, a donc fait « des petits » au moment des fêtes. Certes ce matou n’est pas en chair et en os, il est n’est qu’une métonymie (un mot pris pour un autre). Ce grand miaulant fait des triplés de papier (trois livres pour un seul coffret). Voyons si la bête est un tantinet écolo ?
Certes le chat débarque en taxi chez Casterman (Les desseins du chat), mais il finit l’ouvrage par la décision capitale de faire ses dessins en « marchant ». Ouf. Le trait devient cependant chaotique, épousant le rythme de marche du félin. Heureusement qu’il n’a pas décidé de piquer un cent mètres : l’ouvrage serait impubliable. De surcroît, l’auteur avoue ailleurs que « marcher c’est meilleur », parce que c’est « meilleur marché ».
Sur le plan alimentaire, Sir Miaou nargue volontiers le diététicien du « 5 légumes par jour », lequel a sans problème 5 patients adéquats : une grande asperge, un avocat, une patate et des cornichons. La biodiversité détournée est, elle, réglée en deux coups de cuiller à pot et trois dessins : « Un fruit ça ne chante pas mais ça vit dans les arbres ; un oiseau vit dans les arbres mais on n’en fait pas de confiture ».
Sur le plan pollution, il ironise sur celle des cacahuètes qui recueillent 27 spectres d’urine différents à comparer avec… l’eau des bénitiers (qui ont probablement plus d’usagers).
Sur le plan de la faune, les vaches n’aiment pas les trains à l’arrêt, mais regardent passer le train quand il « se meut » (ce n’est pas la meilleure blague). La femelle du thon pond jusqu’à 5 millions d‘œufs. Comment retenir leurs prénoms ? Les animaux ont des crottes aux formes prédestinées : celles du chameau ont deux bosses, du dromadaire une seule, celles du morse ont deux points-un trait et du serpent sont en zigzag… Le scatologique est en bonne position humoristique car plus on est dans la merde, plus on se « fait chier ». Côté cabot, Geluck doit en avoir un. Ainsi le chien d’Alain Delon doit être drôlement fier que son maître soit Alain Delon. S’en rend-t-il compte ? Non. Pour tous les chiens, leurs proprios sont des Alain Delon. Cherchez le maître. L’abandon du cabot en bord de route est déploré par ceux qui l’ont fait et retrouvent son squelette prouvant que « les gens sont décevants » de ne pas l’avoir recueilli ! Même l’« abeille au bois dormant » roupille en faisant « BZZZZZ » dans son conte-rendu de ce gros minet poilu!
Qu’en est-il des transports ? Le secteur automobile redémarre. Soit. Or dans un embouteillage, impossible aux voitures de démarrer… À l’inverse, lorsqu’on roule vite on est plus dangereux mais …moins longtemps. Pas besoin d’expliquer pourquoi !
En outre, Ratminapasgrobis pose un problème de responsabilité universelle (enfin) sur le plan nucléaire et alimentaire. « Pourquoi les patrons du nucléaire n’habitent-ils pas près des centrales » et pourquoi les « cadres de Quick et MacDo mangent-ils ailleurs » ? Côté humain, l’humour frôle le noir absolu : seuls les « humains peuvent être inhumains », aucun félin n’est devenu « infélin » ni aucun chien « incanin ». Et si les hommes prennent exemple pour tout sur le monde animal pour tout, ils devraient envoyer les pépés en chaise roulante dans la nature « comme les cerfs et les papillons ». Mais Geluck veut aussi réconcilier tout le monde en ce qui concerne l’origine des espèces : pour les uns l’homme descend du singe, pour les autres du bon dieu, alors…il suffit de penser à un dieu « très poilu qui mange des bananes en faisant des grimaces». Plus besoin d’explication darwinienne ou créationniste, la dialectique miaulesque (néologisme) a encore frappé. Sans compter que si le « jugement dernier » devait être assuré par tous les animaux que nous avons bouffés, il ne donne pas lourd de notre peau. Bon, d‘ailleurs nous avons d’autres chats à fouetter !
Jane Hervé