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Naturellement : anthologie de poèmes sur la nature

Sélection de Jean-Marie Henry, illustrations de Yan Thomas, préface de Hubert Reeves

Rue du monde, coll. La poésie, 2015

arton1109Cette anthologie Rue du monde chemine selon une triple voie : d’évidence celle de la nature qui en est le titre et le thème profond, puis celle des mots qui la disent, et enfin celle des images qui la magnifient. Cette nature émerge subrepticement d’un buisson et des prés, passe à travers les forêts et les arbres, puis visite l’eau, l’air, l’oiseau, progresse en zigzag du grillon au cheval, s’attarde sur le mammouth et les sauterelles, les animaux exotiques d’un zoo, s’arrête à Hiroshima, se rapproche des maisons avec les potagers (fenouil, haricots vert), subit la destruction des forêts « rotativées pour la pâte à papier » (Prévert).

Pour ce faire, Jean-Marie Henry évite les poèmes éculés à force d’être trop répétés, pour reconstituer une nature poétique à la fois universelle et singulière. Il convoque ainsi des auteurs inconnus et connus en des styles fort diversifiés dont j’invente les catégories inexistantes : tantôt oulipiesque (l’oiseau mangeant des gras-nuls-laids), tantôt calligrammesque (le poème en forme d’haricots verts), tantôt joueuse de mots (le champ de blé concevant la guerre comme transformation en « champ d’honneur » !), tantôt émotive (le martin-pêcheur juché sur la canne à pêche de Jules Renard), tantôt écolo-chaîno-alimentaire (dans une version inuit de l’oiseau qui mange le ver, puis du renard qui mange l’oiseau, puis du loup qui… ; dans une version égyptienne des bienfaits des limons du Nil), tantôt préhistorique (le mammouth gravé sur le rocher), tantôt mystique (l’eau de Rainer Maria Rilke, la graine-étoile qui médite, le chant de rêve des indiens Chippewa dont la beauté vertigineuse relie le regard aux saisons), tantôt d’une sobriété bouleversante (rameau desséché de Guillevic), tantôt ludiquo-narquoise (les eaux de Prévert qui se jettent à l’eau). Après ce périple impossible, l’album reprend un flash énergétique pour se clore sur l’orange de Neruda : une ode à la « mystérieuse simplicité de la terre et la pure unité de l’orange », dérivée sans doute du surréalisme d’Eluard.

On peut enfin, selon un autre rythme, lire le seul déroulé des images de Yan Thomas (et Ulysse ?) lesquelles constituent un récit en soi. Celles-ci, gravées sur bois, élaborent un poème à la fois ailé et pesant, tissé de vide et de plein, bariolé de couleur et de… blanc. Les illustrations s’ouvrent en un bel envol d’oiseau. Elles se poursuivent avec une Ophélie emportée par les eaux et suivie de poissons, d’oiseaux, de chevaux, de chiens. Elles se terminent enfin par un homme-oiseau flottant vers une terre d’un bleu orange. Ca et là, des escales illustratives comme ce festin de goinfres animaux s’avalant les uns les autres, cette chatte simultanément en gésine et nourricière, ce chou rouge délicatement exploré de l’intérieur, cette cavalcade de chevaux traversant la double page et un douloureux Hiroshima qui marque le fin d’une certaine nature.

Bref, c’est un Naturellement tous azimuts à lire en même temps, à voix haute, par les plus jeunes et les plus ou moins vieux.

Jane Hervé

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