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Payer la terre

A la rencontre des premières nations des territoires du Nord-Ouest Canadien

Joe Sacco

Futuropolis-XXI, 2020

 

Le Canada est associé aux images de froid, de forêts et de sirop d’érables. Mais on pense rarement aux communautés autochtones. Et surtout sur la tentative d’effacement de leur présence ainsi que de leur culture par le gouvernement.

 

L’histoire


En 2015, Joe Sacco se rend par deux fois dans les territoires du Nord-Ouest du Canada, au-dessous de l’Arctique. Il est allé à la rencontre des Dénés, un peuple autochtone ancestrale. Grâces aux témoignages qu’il récolte, il raconte l’histoire de ce peuple avec ses traditions, restées intactes pour certaines. Pendant longtemps, les indigènes du Grand Nord, vivent sur des terres non propices à l’agriculture et travaillent dans la dureté.

Tout a radicalement changé avec la découverte de pétrole, de gaz, de pierres précieuses et d’or dans leur sol. Les autorités s’approprient les territoires, non plus par les massacres mais par la voie administrative, méthodiquement. Elles abusent de l’illettrisme local pour leur faire signer n’importe quoi. Les modes de vie sont totalement chamboulés.

Des enfants doivent obligatoirement se rendre dans des internats catholiques pour apprendre l’anglais et la religion monothéiste. Dans de nombreux lieux, on constate des mauvais traitements, allant du viol à des tortures psychologiques. Pour quelques dollars ou quelques outils. On constate une perte de leur culture, de leur mémoire, de leur langue, de leur croyance…

Avec en bonus un taux d’alcoolisme très important qui s’accompagne systématiquement de violences et de suicides. De nos jours, le bilan est bien sombre avec en plus la fracturation hydraulique qui s’ajoute à la pollution, au réchauffement climatique à la spoliation initiale. Certains tentent de retisser des liens et cela s’avère très compliqué.

 

Mon avis


Joe Sacco est le pionnier de la bd de reportage en allant en Palestine, dans les Balkans ou au Moyen-Orient. L’artiste-journaliste américain propose une investigation sur le réchauffement climatique et les conséquences de la colonisation sur les populations indigènes du Canada.

Le bédéiste mélange des recherches historiques au préalable, le travail de reportage sur le terrain avec recueil de témoignages, l’enregistrement des échanges, des photos sur place, des visites de musées et un brin de philosophie.

Il est allé à la rencontre d’une autre culture qui perçoit le monde autrement. A sa manière, il dévoile des non-dits, des secrets et des tabous. De 2007 à 2015, le gouvernement canadien a déployé la commission de vérité et de réconciliation sur les pensionnats autochtones. Il y a une démarche de pardon, de reconnaissance et de compensation financière.

Cet autre monde se retrouve dans le titre « Payer la terre ». D’un côté, il y a ceux qui veulent payer pour accéder au sol et de l’autre, ceux qui paient la terre pour les remercier de leurs bienfaits. Impossible de ne pas y faire une critique de la société de consommation avec la question économique et de propriété. Consommer c’est exister, qu’importe les conséquences dans le monde. Et cela prend du sens par sa représentation, sur l’omniprésence de la nature et des animaux dans un contexte environnemental tendu.

« Le niveau de l’eau a baissé. Il y a moins d’oxygène dans l’eau qui se réchauffe. Les lacs et les étangs souffrent « eutrophisation » dit-elle. « De plus en plus de plantes poussent au fond à cause du soleil. – Les vents, plus fort qu’avant, chasse l’humidité de l’air et on a des étés très secs et très chauds. Certes les brochets adorent les endroits chauds, peu profonds et infestés d’herbes. Mais les truites aiment l’eau froide, profonde et claire. Le coupable est le changement climatique, dit Jessica. – [On] essaie de gérer le poisson. Mais le réchauffement [sabote] mon travail. » (p. 201).

Un travail de mémoire utile et important qui s’est fait sur 4 ans. Le lecteur ne peut rester insensible à ce récit réel et réaliste qui parle de soucis d’hier et d’aujourd’hui. Le choix du noir et blanc, d’un dessin réaliste favorise l’immersion. On ne ressort pas indemne et on s’interroge sur l’impact de nos achats à l’autre bout du monde.

Une lecture coup de poing qui nous montre l’impact écologique ainsi que colonialisme sur une société et ceux qui font le choix de vivre autrement. Le 9e art prouve qu’il un médium de mémoire.

 

Prisca

A retrouver chez Futuropolis

 

 

Pour découvrir le travail de Joe Sacco

Palestine
Gorazde – Joe Sacco a reçu le Eisner Award du meilleur album en 2001 pour cet album
But I like it
Gaza 1956 – Joe Sacco a reçu le Eisner Award du meilleur auteur en 2010 pour cet album ainsi que le prix France Info de la bande dessinée de reportage, le prix regards sur le monde du festival d’Angoulême et le prix Max et Moritz de la meilleure bande dessinée internationale en Allemagne.

Lien : https://www.youtube.com/watch?v=RFdLXPqSqos

 

 

Payer la terre - interieur

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